Grèce – Kirrha

Le site protohistorique de Kirrha est un tell littoral fondé peut-être dès le Néolithique en bordure nord du golfe de Corinthe dans la région de Delphes, et abandonné à la fin de l’Âge du Bronze. Il est situé à un emplacement stratégique, à la croisée des routes maritimes et terrestres permettant de rejoindre mer Égée et mer Ionienne, Péloponnèse et Grèce continentale. Le village actuel de Kirrha, qui jusque dans les années 1930 était encore baptisé Xeropigado (littéralement « le puits sec »), emprunte son nom à celui de l’antique port de Delphes, son lointain devancier supposé en ces lieux : un habitat, un sanctuaire et des aménagements portuaires y sont en effet attestés à partir de la fin du VIe siècle, ainsi que des vestiges romains et byzantins. Par ailleurs, des ruines de fortifications médiévales rappellent que le port de Salone (Amphissa) se trouvait également dans les parages. L’habitat moderne est aujourd’hui situé au fond du golfe d’Itea, au pied des montagnes qui forment la péninsule de Desphina, entre le bord de mer et la petite éminence accueillant l’église et le cimetière, et qui n’est autre que le tell préhistorique.
Comme bien souvent en Grèce, ce sont les « voyageurs » qui au XIXe siècle effectuent les premiers constats et rapportent pour la première fois la découverte de vestiges anciens. A Kirrha, qui ne s’appelle encore que Magoula, c’est l’Allemand H. N. Ulrichs qui relate en 1840 la visite qu’il y a faite et les vestiges des époques historiques qu’il a repérés. A la fin des années 1920, le jeune archéologue britannique Oliver Davies rend compte de la présence de quantités importantes de céramique préhistorique dans le village désormais appelé Kirrha, et c’est une décennie plus tard, en 1937 et 1938 qu’une équipe emmenée par H. Dor et J. Jannoray et qui comprenait notamment les époux Van Effenterre, entreprend les premières fouilles et dégage une portion considérable de l’habitat protohistorique. Kirrha, avec la publication de ces travaux en 1960, devient l’un des sites-clé de la protohistoire égéenne, particulièrement important pour les périodes de l’Helladique Moyen et de la transition avec le Bronze Récent (période des tombes à fosse). Par la suite, les opérations archéologiques n’ont jamais cessé, tout d’abord préventives avec l’accompagnement nécessaire de la croissance urbaine, puis enfin avec un programme de recherches systématiques entre 2009 et 2015 sous la direction conjointe de D. Skorda et J. Zurbach et R. Orgeolet. Ce dernier a repris la direction des travaux à partir de 2018.

C’est en 1937 et 1938 que Kirrha eut sa « grande fouille », lorsqu’une équipe de « Delphiens » de l’École française d’Athènes, dirigée par L. Dor et J. Jannoray, investit la plaine d’Itea avec pour mission de résoudre des problèmes de topographie historique. Il s’agissait en effet pour ces pionniers de retrouver les vestiges des Krisa et Kirrha antiques, la première étant mentionnée dans le Catalogue des vaisseaux, la seconde ayant représenté l’un des protagonistes majeurs des Guerres sacrées. Si des vestiges d’époque classique furent bien mis au jour (sanctuaire, fortifications, « neoria »), ce sont avant tout les vestiges du site protohistorique qui retinrent l’attention. Notamment parce que ce sont eux qui, après les décès précoces des deux directeurs de la mission, furent les seuls à être finalement publiés (Dor & al. 1960). Les moyens mis en œuvre et les méthodes alors déployées avaient permis le dégagement d’une portion conséquente de la partie centrale du site protohistorique – notamment dans le Secteur D – au nord de l’église moderne.
Les méthodes de terrain employées et l’enregistrement trop grossier de la stratigraphie de ces fouilles pionnières ont finalement rendu nécessaire un retour à Kirrha, après de longues années durant lesquelles de nombreuses opérations de sauvetage étaient menées par le service régional d’archéologie, confirmant l’intérêt majeur du site. C’est ainsi qu’entre 2008 et 2015 un programme de recherches en collaboration entre l’Éphorie de Delphes et l’École française d’Athènes fut développé (dir. D. Skorda, J. Zurbach, R. Orgeolet), donnant lieu à une exploration géophysique du site, à quatre campagnes de fouilles ainsi qu’à une étude géomorphologique. Le programme se poursuivit en 2018 et 2019 sous la seule responsabilité scientifique de l’École française d’Athènes (R. Orgeolet). Ces recherches ont notamment permis part de préciser les conditions environnementales de l’habitat protohistorique, et d’autre part de documenter des aspects saillants de ce dernier. On pense notamment à la nécropole HM III – HR I/II des marges occidentales (Secteur 2.3.5), explorée selon les standards actuels de l’archéothanatologie, ainsi qu’à l’habitat mycénien de Kirrha, mis en évidence dans le Secteur 4, non loin du sommet du site.


Bibliographie

Les travaux effectués sur le site de Kirrha font l’objet de rapports préliminaires et d’articles qui paraissent régulièrement dans le Bulletin de correspondance hellénique (Open Edition / Persée) et dans le Bulletin archéologique des EFE.

Quelques ouvrages de référence :